Lors d’un atelier dédié au coaching d’organisation, l’un des intervenants a posé la question suivante : « Quel est selon vous l’élément déterminant de la réussite d’un coaching d’organisation ? » Vous avez deviné sa réponse ? « Le savoir-être des coachs. » Et vous, qu’auriez-vous répondu ?

 

Cette question m’a donné envie de lire le livre « Les groupes de rencontre – Animation et conduite de groupes », de Carl R. Rogers, pour y trouver des compléments de réponses – ou d’autres questions !

Carl Rogers est surtout connu pour « Le développement de la personne », publié en 1961, dans lequel il expose notamment les fondamentaux de l’Approche Centrée sur la Personne, inspirée de ses propres expériences. Le principe central, la non-directivité, s’appuie sur 3 piliers : l’accueil inconditionnel de l’autre, la congruence et l’empathie. Cette approche a encore aujourd’hui une grande influence sur les métiers de l’accompagnement.

Les groupes de rencontres, ancêtres du coaching d’organisation ?

Carl Rogers publie « Les groupes de rencontre » en 1970. Lire ce livre aujourd’hui, près de 50 ans plus tard, permet de prendre la mesure des espoirs et des craintes suscitées par ce mouvement, alors en plein essor aux États-Unis, d’abord sur le terrain thérapeutique, puis auprès des institutions sociales, universitaires et des entreprises, qui a certainement contribué à l’émergence du coaching d’organisation, tel qu’on le connaît aujourd’hui. Ces groupes de rencontres ne se limitaient pas à des petites équipes, mais s’appliquaient déjà à de vastes organisations.

Bien sûr, entre-temps, le coaching est apparu, dans les années 1970 aux États-Unis, dans les années 1990 en France ; depuis, il s’est structuré, professionnalisé. Aujourd’hui, il existe des formations, des fédérations professionnelles, qui délivrent certifications et accréditations ; mais ces certifications et accréditations concernent encore essentiellement le coaching individuel. La question des conditions de succès du coaching d’organisation, est donc tout à fait d’actualité, même si elle n’est pas nouvelle.

Quels enseignements tirer des écrits de Rogers ?

Dans son livre, Carl Rogers nous présente les attitudes qu’il s’efforçait de tenir, lorsqu’il animait des groupes de rencontre :

  • Faciliter le processus, plutôt que le diriger

Ne pas avoir de but spécifique pour le groupe, mais plutôt désirer sincèrement que le groupe définisse lui-même ses orientations.

  • Développer une écoute aussi attentive et sensible que possible

Ce qui l’intéresse, ce ne sont pas les détails des expériences qui lui sont exposées, mais leur signification pour la personne, et les sentiments que ces expériences éveillent en cette personne. C’est à ces significations et à ces sentiments qu’il essaie de réagir. En ce sens, son écoute est sélective et directive.

  • Accepter le groupe tel qu’il est, là où il en est

C’est en analysant les effets sur le long terme des groupes de rencontre que Carl Rogers a constaté qu’il était plus efficace d’accepter le groupe tel qu’il est, là où il en est, plutôt que d’essayer de le mener quelque part, ce qui pourrait générer plus de résistance et limiter le changement.

  • Tirer parti de son ressenti

Pour ce faire, il se laisse la possibilité d’exprimer les émotions qu’il ressent d’une manière persistante en présence d’un individu ou du groupe. Carl Rogers n’hésite pas à confronter les participants, à leur exprimer un feed-back ; il s’efforce de le faire avec les sentiments qui existent en lui.

  • Éviter la planification et les exercices

Il préfère la spontanéité. Il n’exclue pas de recourir à des outils ou des méthodes, mais seulement si ces techniques correspondent au besoin du groupe à ce moment-là.

  • S’appuyer sur les compétences des membres pour faire évoluer le groupe

Il croit en la « sagesse de l’organisme vivant », qu’il a lui-même observée « de la cellule au groupe ».

Ces enseignements sont-ils toujours d’actualité ?

Il est presque troublant de lire dans les dernières pages l’actualité d’un texte vieux d’un demi-siècle, quand Carl Rogers décrit les nouveaux défis qu’il voit se profiler pour les décennies à venir :

  • Accélération des changements techniques ;
  • Risques de déshumanisation dans des villes et des entreprises de plus en plus grandes ;
  • Développement d’une conception déterministe de l’homme.

Carl Rogers voit dans les groupes de rencontre un moyen de faire face à ces défis, à trois niveaux :

  1. Aider l’individu à s’adapter au changement ;
  2. Aider les organisations à changer ;
  3. Accompagner les organisations vers la prise en compte permanente du changement – « faire en sorte que le changement en tant que tel fasse partie de la vie des organisations : il serait là comme l’instrument d’un renouveau perpétuel des formes, des structures et de la politique générale des institutions. »

Comment concilier efficacité et respect de la déontologie ?

Bien sûr, le cadre d’intervention du thérapeute dans les années 1970 n’est pas le même que celui du coach d’organisation aujourd’hui. Deux des principales différences, à mon sens, sont la contrainte de temps à laquelle l’organisation et le coach sont soumis, et l’existence d’objectifs précis, assignés au coach par l’organisation. C’est à mon sens à ces endroits-là que des zones de frottement peuvent apparaître entre efficacité et déontologie – comment accompagner un changement à court terme, tout en veillant à sa durabilité, dans le respect des personnes et de l’organisation ?

C’est tout l’art du coach que de savoir (faire) respecter ces deux impératifs – efficacité et déontologie. Nul doute que son savoir-être est déterminant.

Il existe d’autres approches tout aussi intéressantes et respectables que celle de Carl Rogers. Cet article vise simplement à apporter des éléments de réflexion sur la pratique du coaching d’organisation, en s’appuyant sur les écrits de cet auteur. L’ouverture à la diversité des pratiques constitue une autre condition de réussite du coach en organisation.

Olivier ENDELIN

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