Tout comme nos dirigeants politiques, les dirigeants des entreprises sont aujourd’hui confrontés à des situations inédites, qui les amènent à devoir gérer l’incertitude au quotidien, en marchant sur une ligne de crête, en équilibre permanent entre 2 impératifs : la sécurité sanitaire de leurs équipes et la pérennité économique de leur entreprise.

Dans le même temps, il y a fort à parier que les entreprises qui se sortiront le mieux de cette crise, auront su gérer sur la durée un autre équilibre : se prémunir des risques, et profiter des opportunités.

Il est légitime, au plus fort de la tempête, de se concentrer sur la survie, et d’éviter la casse. Fort de l’expérience de la crise de 2008 et de l’exemple allemand, c’est la stratégie qu’a suivie le gouvernement français, à travers notamment la promotion du chômage partiel, les aides directes, les reports d’échéances fiscales et sociales et les mesures de liquidité et de garanties sur les emprunts.

Et très vite, après avoir évité le naufrage, il revient aux leaders, politiques comme économiques, de fixer le cap. Le 29 avril dernier, notre ministre de l’économie dessinait les grands traits de son plan de relance, promis pour le mois de septembre prochain.

Comment fixer un cap, quand on dirige une entreprise dans un tel contexte d’incertitude ?

Bien sûr, il n’existe pas de solution miracle, applicable uniformément à tous les cas de figure.

Pour autant, il peut être judicieux pour un dirigeant, comme l’on fait nos politiques, de tirer les leçons des crises précédentes, et de s’appuyer sur leurs enseignements pour en définir de grands principes.

Gérer une crise, c’est comme aborder un virage serré dans une course automobile : il faut savoir freiner tard et fort et accélérer tôt et fort pour dépasser ses concurrents

Deux études récentes font état de résultats convergents : les entreprises qui sortent renforcées des crises récentes ont adopté des stratégies « hybrides », combinant maîtrise des coûts et investissement.

La première étude a été menée par Bain & Company, à travers l’analyse de près de 3900 entreprises dans le monde1. « L’analyse de leur profitabilité sur la période 2007-2017 montre que l’écart entre les entreprises performantes et les autres se creuse précisément en période de difficultés économiques : celles qui ont su s’adapter ont connu un taux de croissance de 17% pendant la récession (2007-20009), contre 0% pour les autres. Et cet écart a perduré lors de la reprise, puisque les championnes affichent un taux de croissance moyen de 13% sur la période 2010-2017, contre 1% pour les autres. » Les bonnes pratiques identifiées : contrôler les coûts au plus vite, préparer très tôt un plan de développement commercial offensif et établir un programme de fusion-acquisitions pour profiter de la conjonction de valorisations faibles et de taux d’intérêt bas.

La deuxième étude, publiée par la Harvard Business Review en 2010, portait sur près de 5000 entreprises américaines du début des années 1980 au début des années 2000, a été reprise dans un récent article du Monde2. Cette deuxième étude, si elle aboutit à la même conclusion – une stratégie « hybride », a le mérite d’une part de détailler les scénarios de réduction de coûts à privilégier, et d’autre part de préciser les risques afférents à ces scénarios, notamment en termes de tensions au sein des entreprises, qui peuvent mettre en péril leur réussite opérationnelle.

Ainsi, le scénario de réduction de coûts à privilégier n’est pas la réduction des effectifs, qui risquerait de détruire les ressources, les compétences, et de mettre à mal la culture d’entreprise, mais plutôt d’accroître l’efficience opérationnelle.

1 https://www.journaldunet.com/management/direction-generale/1439458-faire-du-ralentissement-economique-une-opportunite/

2 https://www.lemonde.fr/emploi/article/2020/05/17/jacques-barthelemy-face-a-une-recession-les-entreprises-peuvent-utiliser-trois-strategies_6039923_1698637.html

Le scénario d’investissement à privilégier consiste à combiner l’investissement en marketing et R&D et le rachat de concurrents.

Mais attention : cette stratégie hybride n’est pas sans risque ; elle générera nécessairement des tensions au sein de l’entreprise, entre ceux à qui il sera demandé de faire des sacrifices, et ceux qui bénéficieront de plus de moyens.

Quels enseignements tirer de ces deux études ?

Il ressort clairement que la capacité de l’entreprise à sortir renforcée de la crise dépend essentiellement de trois facteurs :

  1. De la capacité des dirigeants à discerner dans la crise à la fois les menaces et les opportunités ;
  2. De l’agilité de l’entreprise à décliner cette stratégie d’un point de vue opérationnel ;
  3. De la capacité du management à gérer les tensions générées par cette stratégie hybride.

Olivier ENDELIN

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